Dans le monde de l’éducation canine, de l’intervention en comportement canin, nous sommes confrontés régulièrement à des individus qui croient fermement que l’éducation et le dressage d’un chien passent par la punition. Qu’on doit être ferme avec un chien pour qu’il nous obéisse. D’autres nous disent que si le chien grogne ou menace de mordre, il faut le punir sévèrement. Que s’il tire en laisse il faut lui mettre un collier étrangleur, pire un collier à pics. Que si le chien se sauve, il faut le dresser au collier électrique. Vraiment? Je suis totalement d’avis contraire. Considérer le chien comme un partenaire et non comme un adversaire donnera les meilleurs résultats. Le punir, le frapper, utiliser toutes sortes de méthodes de tortures tout droit sorties des pires cachots du Moyen-Âge ne servira qu’à blesser le chien, dans son physique et son psychologique.

Qu’est-ce qu’une méthode coercitive?

La coercition, c’est le fait de contraindre, une méthode d’entraînement coercitive est une méthode à l’aide de laquelle on impose une contrainte. Quelques exemples :

  • Menacer le chien, par la voix ou la posture
  • Se montrer agressif envers l’animal
  • Utiliser un collier étrangleur (chaîne, à pic, en nylon, etc.)
  • Utiliser le collier électrique
  • Utiliser le collier à la citronnelle, à jet d’air ou à ultrason
  • Frapper le chien
  • Serrer le nez du chien
  • Mettre le nez du chien dans ses besoins pour lui « apprendre » la propreté
  • Coucher le chien de force pour lui montrer qui « domine »[1]

Je n’ai probablement pas besoin de vous faire un tableau plus détaillé que cela pour vous aider à comprendre ce qu’est une méthode coercitive. Toutes ces techniques, en plus d’être dépassées, ont presque toujours un effet négatif, néfaste et grave sur l’animal qui les subit. Je ne vous inviterai pas à essayer un collier électrique sur vous même, ou encore un collier étrangleur, mais je vous inviterai à vous poser la question suivante : Serait-il éthique et juste de battre un enfant simplement parce qu’il n’a pas ramassé sa chambre au moment où on lui a demandé? Non. Alors pourquoi serait-il éthique et juste de frapper un chien parce qu’il a jappé? Je sais que je vous donne des images fortes, mais je crois qu’il est important de saisir la gravité de ces gestes.

L’impact physique des méthodes coercitives

L’utilisation des colliers de types étrangleurs peut causer de nombreux heurts physiques aux chiens sur lesquelles on les utilise. En effet, ces outils appuient directement à l’endroit où se trouve la glande thyroïde chez le chien. La glande thyroïde se trouve donc sévèrement traumatisée par le collier qui enserre le cou du chien. Par conséquent, le système immunitaire réagira afin de détruire les cellules inflammées de la glande thyroïde et finalement la glande s’en trouvera grandement détruite. Une telle destruction entraînera un déficit d’hormones thyroïdiennes dans le système de l’animal, aussi appelée hypothyroïdie. Celle-ci occasionnera une prise de poids, des problèmes de peau, une tendance accrue aux infections des oreilles et des insuffisances organiques, pour n’en nommer que quelques-uns.[2]

Pour continuer sur les impacts de l’utilisation des colliers étrangleurs, ajoutons aux problèmes de glande thyroïde, les problèmes au niveau des yeux et des oreilles. Le Dr Peter Dobias, vétérinaire, mentionne que la pression au niveau du cou, exercée par les colliers de ce genre nuit à l’apport d’énergie et au flot lymphatique au niveau de la tête, ce qui occasionne des problèmes au niveau des oreilles et des yeux de l’animal.[3]

Peut-être avez-vous déjà observé un chien ou connut un chien qui se léchait beaucoup les pattes. Et oui, cela peut aussi être un effet de la pression exercée par le collier étrangleur. Le manque de sang au cerveau qui en découle cause des picotements au niveau des extrémités, qui entraîne le chien à se lécher les pattes, ne sachant pas quoi faire d’autre pour faire disparaître cette sensation désagréable.[4] Pour vous donner un exemple, quand j’étais petite, un ami de mon père s’amusait à me prendre par les pieds et à me virer la tête en bas. Si je restais trop longtemps dans cette position, j’avais plein de petites fourmis dans les doigts. Une fois revenue dans la bonne position, tout redevenait normal, mais la tête en bas causait de la pression dans ma tête, ce qui entraînait les picotements.

Les colliers à la citronnelle peuvent affecter le système olfactif du chien qui est 1000 à 10 000 fois plus sensible que le nôtre! L’odeur de citronnelle est déjà très forte pour le nez humain, imaginez pour le nez du chien. Et pour ce qui est du collier à ultrason, il risque fort d’endommager l’ouïe particulièrement sensible du chien, d’autant plus s’il ne comprend pas pourquoi ce son est utilisé et s’il est utilisé à outrance.

Joseph Ortega, spécialiste en éducation canine et en comportement canin depuis plus de 30 ans, en méthodes non coercitives, initiateur de la « méthode naturelle » et de « l’école des chiots », formateur, auteur et conférencier nous informe que les colliers électriques pour leur part ont de nombreux effets indésirables sur notre animal de compagnie. Cela passe de la contraction musculaire à la tétanisation des muscles respiratoires (contraction maintenue des muscles pouvant bloquer la respiration et causer la mort par asphyxie). De la fibrillation ventriculaire (contractions rapides et désordonnées des fibres musculaires du cœur) à l’inhibition des centres nerveux par atteinte des terminaisons sensibles à la douleur (nocicepteurs), l’influx passe par la moelle épinière et atteint le cerveau. C’est sans compter les brûlures électrothermiques avec plaies de la peau.

Et finalement, je n’ai pas besoin de vous faire de dessin, frapper le chien causera sans aucun doute des douleurs. Est-ce qu’un boxeur ressort d’un combat sans ecchymose?

 

L’impact psychologique et comportemental des méthodes coercitives

Je reviens sur l’impact des colliers étrangleurs sur la glande thyroïde. Ils n’ont pas qu’un effet physique. L’hypothyroïdie qu’ils causent entraîne des de nombreux problèmes comportementaux. Le Dr Joël Dehasse, vétérinaire comportementaliste belge, nous mentionne, en se référant à une étude de Jean Dodd et Linda Aronson (1999, 2004), que de nombreux problèmes de comportement sont en corrélation avec une hypothyroïdie. Pour n’en nommer que quelques-uns :

  • Comportement anormal en général
  • Agressions : surtout agressions envers humains.
  • Crises convulsives (et crises émotionnelles, et changements d’humeur imprévisibles)
  • Peurs et anxiété
  • Hyperréactivité, hyperactivité[5]

Les méthodes coercitives en général entraînent très souvent des états de détresse chez le chien qui les subit. En effet, comme le chien ne peut pas se soustraire à la coercition, cela mène très souvent à l’impuissance acquise. L’impuissance acquise ou learned helplessness est une « perte de réactivité envers un stimulus, acquise à la suite d’une exposition prolongée pendant laquelle l’individu ne peut agir de façon constructive pour atteindre un confort, ou échapper à la douleur ». C’est un état psychologique grave, qui dépasse le stade de la dépression. De plus, les méthodes coercitives ont de grandes chances de causer un retour en arrière (backfire) explosif. C’est-à-dire que si l’on tente d’enrayer un comportement en utilisant des méthodes contraignantes, il risque de réapparaître à plus forte intensité et de façon soudaine et inattendue. C’est le cas avec les problèmes d’agression entre autres.[6]

Avant d’utiliser des méthodes coercitives, avant d’élever la voix sur un chien, avant de le frapper, il faut réfléchir à nos gestes et à leurs impacts. Utiliser ce type de méthodes ne fait qu’augmenter l’anxiété chez l’animal et entraînera nécessairement de nombreux problèmes comportementaux, sans oublier tous les effets physiques. Se renseigner sur les alternatives, aller chercher de l’aide afin d’éduquer notre compagnon dans le calme, préviendra nombre de problèmes, nombre d’abandons et nombre d’euthanasies.

 

Références

[1] Veuillez vous référer à ce sujet à notre article : https://beli.ca/la-domi-la-domi-quoi/

[2] DOBIAS, Peter. One « Jerk » can cause a lot of damage, 2019, https://peterdobias.com/blogs/blog/11017353-one-jerk-can-cause-a-lot-of-damage

[3] Idem.

[4] Idem.

[5] DEHASSE, Joël. http://www.joeldehasse.com/articles/thyroide.html, 2018.

[6] OVERALL, Karen. Manual of Clinical Behaviroal Medicine for Dogs and Cats, 2013, p. 76.