Quand on y pense, au plus profond de chacun de nous se cachent une ou des peurs. La peur du noir, la peur des serpents, des souris, des araignées! Ha! Ces araignées, ne m’en parlez même pas! Je fais partie de ceux qui ont déjà grimpé sur un comptoir à la seule vue d’une inoffensive petite araignée sur le plancher de la salle de bain! Si nous, les humains, éprouvons la peur, les animaux aussi le peuvent.[1] En effet, nos compagnons à quatre pattes ont aussi peur de certaines choses. En prenant une marche avec votre chien, l’avez-vous déjà vu avoir une drôle de réaction par rapport aux décorations d’Halloween par exemple? Ou encore le chien de grand-papa qui n’a jamais vu d’enfant qui va se cacher derrière un fauteuil à la seule vue d’un poupon? Ces réactions peuvent être la manifestation d’une émotion telle que la peur.

 

Qu’est-ce que la peur?

Karen Overall définit la peur comme une émotion d’appréhension associée avec la présence ou la proximité d’un objet, d’un individu ou d’une situation sociale.[2] La peur fait partie des comportements normaux de tout être vivant. En effet, il est normal d’avoir peur du feu, toutefois, il n’est pas normal d’avoir peur d’être consumé par le feu si le feu est sous contrôle et utilisé en tant qu’outil. Ma peur des araignées dont je vous parlais plus haut n’est pas normale non plus. J’ai une réponse anormale dans le contexte. Si j’étais en présence d’une énorme tarentule venimeuse, le fait d’embarquer sur un comptoir serait adapté, mais dans le cas que je vous ai décrit, ma réaction est disproportionnée. Un chien qui sursaute quand un chaudron tombe au sol, c’est normal, un chien qui passe la journée cachée en dessous du lit en hypersalivant dès que le temps se met à être orageux, c’est moins normal… Donc une réponse soudaine, profonde et anormale résultant en d’extrêmes comportements associés à la peur tels que la catatonie ou la panique est appelée une phobie.[3] Il n’est pas rare que les chiens aient une peur profonde, voire une phobie des bruits forts. Nous y reviendrons.

 

Comment identifier la peur chez mon chien?

Une émotion telle que la peur provoquera nécessairement des manifestations physiques. On peut compter parmi celles-ci une raideur au niveau de la nuque, de la tête, de la queue et de tous les membres. On remarquera également que le chien se tiendra penché vers l’arrière, comme s’il était prêt à fuir, en postures basses, les oreilles en arrière, la queue sous son corps. Il pourrait aussi trembler, saliver, se lécher les lèvres, s’enfuir et/ou se cacher, il pourrait, dans des cas extrêmes, uriner, déféquer et vider ses glandes anales. Il pourrait aussi apparaître de petites pellicules blanches dans son poil, des squames, et son poil pourrait avoir l’air humide.[4] Si ces signes semblent tous être en corrélation avec l’intensité des stimuli sociaux ou physiques, alors on parle d’une peur. Elle pourrait être travaillée en contre-conditionnement classique et en désensibilisation. Si votre chien, lorsque se présente un orage ou que se fait entendre un bruit fort, présente ce type de réactions, mais qu’il s’en remet rapidement, les méthodes suggérées ci-haut fonctionneront bien.

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Est-ce que mon chien peut avoir moins peur?

Effectivement, « le contre-conditionnement classique est un conditionnement classique d’un nouvel élément psychobiologique dans les mêmes contextes qui activaient une réponse psychobiologique antérieure. »[5] Heu que quoi? Je vous entends déjà me dire que je suis en train de vous parler en chinois! Je vous l’accorde, cela a l’air bien compliqué à première vue, mais en réalité c’est bien simple. Si, par exemple, votre chien a peur des orages, nous allons lui proposer quelque chose d’agréable lorsque se présente une telle intempérie météorologique. On va lui sortir son jouet préféré! On va lui donner un os charnu à gruger! En plus de lui procurer une émotion positive, le fait de gruger permettra à son cerveau de libérer des endorphines! Youppi! De fil en aiguille, le fait de susciter une émotion positive telle que la joie chaque fois qu’un orage se présente, votre toutou ressentira de moins en moins la peur dans un contexte qui la suscitait auparavant! Vous ai-je bien traduit le chinois?

 

En association avec le contre-conditionnement classique, la désensibilisation viendra consolider le travail. La désensibilisation est un processus à l’aide duquel on renforcera ici la non-réaction du chien au stimulus qui lui fait peur en lui présentant ledit stimulus à son intensité la plus faible au départ et en augmentant celle-ci progressivement. Ici, avec les bruits forts ou les orages, on pourrait utiliser des enregistrements que l’on ferait passer dans le système de son, au départ très faible. Si le chien ne présente aucune réaction et reste détendu, on lui offre sa gâterie préférée (morceaux de foie séché, morceaux de fromage, etc.)! On continue l’exercice en augmentant progressivement l’intensité du bruit. Il est primordial de s’assurer que notre animal n’est pas en état de réaction, il faut être attentif. Si vous avez du mal à identifier les signes, faites appel à un professionnel du comportement canin. Il se fera un plaisir de vous aider dans votre cheminement. Durant vos pratiques, si vous voyez que vous atteignez un point où votre chien entre en réaction, revenez à un point plus facile et terminez votre séance là-dessus. Il est important que cela se termine toujours sur une note positive afin que votre compagnon soit en position de réussite! J’ajouterais que la réussite de la désensibilisation dépend d’un ensemble de choses. D’abord du temps et de la fréquence à laquelle vous la pratiquerez. Ensuite de l’humeur et des croyances de votre chien. Un chien d’humeur anxieux et toujours aux aguets prendra plus de temps à désensibiliser qu’un chien à la base plus joyeux![6]

Est-ce de la peur ou une phobie?

Je vous avais dit que nous allions revenir sur la phobie. Alors voilà comment il est possible d’identifier si votre chien souffre d’une phobie et non d’une simple peur des bruits forts ou des orages. À la présentation de ceux-ci, le chien démontrera une réponse profonde et non graduée. Il voudra y échapper intensément et activement, voire s’enfuira. Les comportements associés à la phobie peuvent aussi inclure la catatonie et/ou la panique. « La catatonie est un syndrome psychiatrique s’exprimant à la fois dans la sphère psychique et motrice. Elle constitue notamment une forme d’expression de nombreuses pathologies autant neurologiques que psychiatriques. »[7] La catatonie s’exprime par une perte de l’initiative motrice, une raideur généralisée, une attitude figée et une résistance active aux tentatives de mobilisation. La catatonie et la panique sont associées à une diminution de la sensibilité à la douleur ou aux stimuli sociaux.[8] Les phobies se développent rapidement, contrairement aux peurs, qui elles, se développent progressivement et qui présentent plus de variations dans la réponse qu’il pourrait y en avoir dans un événement phobique. Si votre chien vit un épisode phobique en raison de bruits forts ou d’un orage, cela se répétera chaque fois que le bruit ou l’orage se présentera. Une fois qu’elle est complètement développée, l’exposition répétée résultera en un modèle de réponse qui ne variera pas. Le chien tentera d’éviter à tout prix les situations phobiques. Si cela est impossible, il l’endurera avec un niveau d’anxiété et détresse très élevé[9]. Si vous croyez que votre chien souffre d’une phobie des bruits forts ou des orages, différentes avenues s’offrent à vous. Évidemment, la modification comportementale peut avoir un effet bénéfique. N’hésitez pas à consulter un comportementaliste pour vous aider. Je vous conseillerais également d’en discuter avec votre vétérinaire. Vous pourriez envisager ensemble une thérapie médicamenteuse qui aiderait votre chien à surmonter les épisodes phobiques sans tomber dans un état de détresse grave.

Que votre chien ressente de la peur ou ait une phobie des bruits forts ou des orages, assurez-vous d’utiliser toutes les ressources en votre pouvoir pour améliorer son bien-être, car ce sont des émotions fortes, profondes et négatives qui nuisent à son épanouissement cognitif et physique. Vous le connaissez mieux que quiconque, servez-vous de cette connexion exceptionnelle que vous avez avec votre compagnon pour l’aider à transcender ses peurs ou ses phobies, à passer par-dessus et à vivre une vie remplie de joie et de biscuits!

Lecture complémentaire

 

Références 

[1] Marc Bekoff. Les émotions des animaux, Les éditions Payot et Rivages, Paris, 2009, p. 37.

[2] Karen Overall, Manual of Clinical Behavioral Medicine for Dogs and Cats, Elsevier, 2013, p. 60.

[3] Idem.

[4] Idem, p. 61.

[5] Joël Dehasse. Tout sur la psychologie du chien, Éditions Odile Jacob, Paris, 2009, p. 332.

[6] Idem, p. 327.

[7] Définitions lexicographiques et étymologiques de « catatonie » du Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales.

[8] Ibid, Overall. P. 251.

[9] Idem.

Sources

BEKOFF, Marc. Les émotions des animaux, Les éditions Payot et Rivages, Paris, 2009.

DEHASSE Joël. Tout sur la psychologie du chien, Éditions Odile Jacob, Paris, 2009.

OVERALL, Karen. Manual of Clinical Behavioral Medicine for Dogs and Cats, Elsevier, St-Louis, 2013.

Définitions lexicographiques et étymologiques de « catatonie » du Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales.