Quand on travaille en éducation canine ou en modification de comportement avec les chiens, plusieurs techniques et méthodes peuvent être utilisées afin d’arriver aux résultats escomptés. Chacune de ces techniques et méthodes porte un nom. Il devient parfois difficile de s’y retrouver, ça peut devenir même très mêlant. Pour vous aider à mieux comprendre ces différentes techniques voici un article qui vise à vulgariser chacun des termes et à vous donner des exemples concrets pour vous aider à bien visualiser.

Renforcement positif

D’abord, commençons avec le renforcement positif. On l’illustre souvent dans les textes à l’aide du signe suivant : R+. Le renforcement positif consiste à ajouter un stimulus plaisant une fois que le chien a exprimé un comportement désiré. Le comportement aura alors tendance à se reproduire.

  • Exemple : je demande, à mon chien « assis » il le fait, je lui donne une récompense. La prochaine fois que je lui demanderai le commandement « assis », mon chien aura tendance à le faire plus rapidement.

Donc pour faire simple, le renforcement positif c’est de donner (+) quelque chose au chien pour augmenter la probabilité qu’un comportement se reproduise. En travaillant en renforcement positif, les chiens ont tendance à dépasser, avec enthousiasme, le minimum d’effort demandé pour obtenir les récompenses. Attention, il faut que la récompense que l’on donne au chien ait de la valeur pour celui-ci. Certains chiens adorent plus que tout jouer avec une balle en particulier, la balle sera donc pour ce chien la récompense suprême à utiliser en renforcement positif. D’autres marcheraient sur la tête pour un morceau de fromage, alors voilà qu’avec ce chien nous utiliserons le fromage.
Je vous invite à visionner la vidéo suivante : « Touche à ma main ». Dans cette vidéo, on montre au chien à toucher notre main. Une fois qu’il a effectué le comportement, on lui donne une gâterie. Le chien a donc tendance à le répéter plus facilement et plus rapidement(1).

Conditionnement opérant

C’est Burrhus Frederic Skinner (1904-1990), psychologue et philosophe américain qui a traité le premier du concept de conditionnement opérant. On l’appelle ainsi puisque l’animal sera conditionné à répéter ou non un comportement de par ses propres expériences. Il associera l’action à la conséquence qui en découlera. Il apprendra par l’action.

  • Exemple : On donne au chien un jouet interactif comme le KongMD Wobbler à l’intérieur duquel on met de la nourriture. La première fois que le chien voit ce jouet, il ne sait pas quoi en faire. En le laissant réfléchir un peu, le chien va tenter des actions. Il va commencer à pousser le KongMD avec son nez ou sa patte et cette action fera sortir la nourriture par le trou. La prochaine fois que l’on sortira le jouet, il saura rapidement comment en faire sortir les gâteries.

Dans cet exemple, il s’agit d’apprentissage par Conditionnement opérant ET Renforcement positif. Je vous invite à visionner la vidéo suivante : « BEST DOG TOY EVER? «KONG WOBBLER» With Funny Dog Toy Critic Louie The Beagle ». Dans cette vidéo vous pourrez constater qu’à force de faire bouger le jouet avec ses pattes et son nez, Louie le Beagle finit par obtenir les gâteries qui sont à l’intérieur(2). Et il apprend tout cela par lui même. Il aura alors tendance à reproduire le comportement facilement dès qu’il sera en présence de l’objet.

Renforcement et punition
Avant de poursuivre plus loin, j’aimerais prendre le temps de démêler pour vous les termes de Renforcement et de Punition. Pour rendre le tout le plus clair possible, je vous ai fait un tableau :

Conditionnement classique

C’est Yvan Petrovitch Pavlov (1849-1936), médecin physiologiste russe qui a travaillé sur le concept de conditionnement classique. Le conditionnement classique c’est l’association par le cerveau d’un stimulus qui n’a aucune valeur avec un stimulus qui entraîne une réponse involontaire. Le processus est également appelé conditionnement associatif ou répondant. Lors de ses expériences avec un chien, Pavlov a mis en contiguïté un stimulus neutre (cloche) et un stimulus inconditionnel (nourriture). Le son d’une cloche ne fait pas saliver le chien. La nourriture elle, le fait saliver.

  • Exemple : On fait entendre le son de la cloche à un chien. Au même moment, le chien mange quelque chose. Après un moment, le son de cloche deviendra un stimulus conditionnel qui produira la même réaction que la nourriture, le stimulus inconditionnel. Donc le chien salive en entendant le son de la cloche.

Nous sommes donc ici dans une situation où l’animal réagit plutôt que dans une situation où l’animal agit, comme avec le conditionnement opérant. Lorsque la cloche déclenche la salivation, on l’appelle un stimulus conditionnel et la réponse est une réponse conditionnée, car le chien a appris à saliver en entendant le son de cloche.

Travailler en conditionnement classique permet de changer les comportements involontaires du chien comme les réflexes et les émotions. On utilise généralement ce conditionnement lors de thérapie comportementale pour travailler sur les peurs ou les phobies.

Je vous invite à visualiser la vidéo suivante « Conditionnement classique selon Inukaï »(3). Dans cette vidéo, vous voyez Inukaï commencer à saliver en entendant simplement le son d’un emballage. Le son de l’emballage au départ ne le faisait pas saliver, mais chaque fois qu’il entendait l’emballage, il devait recevoir ce qu’il y avait dans l’emballage en question. Le son de l’emballage est devenu annonciateur de quelque chose de bon au goût. Ce qui a provoqué ce réflexe de saliver en entendant le son de l’emballage qui craque.

Contre-conditionnement classique

En contre-conditionnement classique, le chien n’a pas à produire de comportement pour obtenir une récompense. Il a simplement à associer deux choses. Cette technique peut nous permettre de modifier les émotions du chien. En effet, elle consiste à associer un stimulus qui déclenche une réponse non désirée avec une friandise pour obtenir une réponse alternative acceptable. Par cette technique, nous modifions l’émotion du chien de négative à positive ou de positivé à négative. Effectivement, « le contre-conditonnement classique est un conditionnement classique d’un nouvel élément psychobiologique (émotions, perceptions, actions) dans les mêmes contextes qui activaient une réponse psychobiologique antérieure. »(4)

  • Exemple : Le chien a peur du facteur. Chaque fois que le facteur arrive, on donne du fromage au chien. Si le facteur devient prédicteur de fromage, le chien va être dans une tout autre émotion devant celui-ci.

Je vous invite à visualiser cette vidéo dans laquelle on voit des chiens qui semblent ne pas apprécier le séchoir : « Contre conditionnement du chien au sèche-cheveux/pulseur »(5). Pendant qu’on fait fonctionner le séchoir, on distribue des gâteries aux chiens. Le séchoir devient donc associé aux gâteries. Par le fait même, l’émotion de peur ou d’inconfort par rapport au séchoir se transforme en une émotion positive et agréable qui est suscitée par la nourriture.

Cette méthode peut être utilisée pour n’importe quel stimulus qui déclenche des émotions négatives chez notre animal. Elle fonctionne aussi sur nous, les humains. Imaginez-vous avoir peur des araignées. Mais chaque fois que vous en voyez une, je vous remets 1000 $. Vous aurez certainement, au fil du temps appris à être un peu moins inconfortable en présence d’une araignée. Vous en viendrez même à me dire : j’ai vu une araignée, as-tu mon 1000 $? C’est ça le pouvoir du contre-conditionnement classique! Le contre-conditionnement est souvent utilisé conjointement avec la désensibilisation pour des résultats plus rapides.

Désensibilisation

La désensibilisation est une technique d’exposition graduelle qui amène le chien à avoir une réponse émotionnelle moins forte (changement positif de la perception de l’animal) face à un stimulus. Le chien peut avoir des réponses émotionnelles fortes comme la peur, il peut être anxieux, agressif, réactif, surexcité, etc. dans des situations comme la coupe de griffe, les transports en voiture, les visites chez le vétérinaire, les orages, la visite à la maison et bien d’autres.

Lorsque le chien vit du stress, l’amygdale qui est le centre de la peur sécrète des hormones du stress qui sont le cortisol et la noradrénaline. Cela entraîne l’accélération du rythme cardiaque dans le but de préparer l’animal à la fuite ou au combat. Lorsque l’animal est dans ces réflexes de survie, il ne peut utiliser son néocortex (le centre de la raison et du conscient), car cela retarde les réflexes. Donc un chien qui est trop dans les émotions ne peut réfléchir. Il n’est donc pas en situation d’apprentissage.

C’est à ce moment que la désensibilisation vient nous aider à modifier ses réactions. La désensibilisation se fait de façon progressive, au rythme de l’animal dans un environnement contrôlé. Tout doit être contrôlé : l’intensité, la durée et la distance. Lorsque l’on travaille en désensibilisation, on doit toujours travailler sous le seuil de tolérance et de réactivité du chien. Ce qui veut dire que le chien ne devrait jamais réagir face au stimulus, de là l’importance de contrôler ce stimulus.
Tout comme l’entraînement à de nouveaux comportements, la désensibilisation devra être généralisée en différents temps de la journée et différents lieux.

La désensibilisation est un processus à l’aide duquel on renforcera ici la non-réaction du chien au stimulus qui lui fait peur ou qui l’excite en lui présentant ledit stimulus à son intensité la plus faible au départ et en augmentant celle-ci progressivement. Si le chien ne présente aucune réaction et reste détendu, et qu’il n’est pas dans ses mécanismes de défense, c’est à dire qu’il ne présente pas ces signaux:

  • Figé;
  • Mâchoire crispée;
  • Corps raide;
  • Mydriase (pupilles dilatées);
  • Etc.

on lui offre sa gâterie préférée (morceaux de foie séché, morceaux de fromage, etc.)! Le chien devrait toujours présenter la même attitude que lorsque vous faites une activité qu’il apprécie, comme quand vous sortez la laisse pour aller prendre une marche, par exemple. Ne passez jamais à une étape plus difficile de la désensibilisation si votre chien n’est pas détendue. Car non réaction ne signifie pas détente. Et si votre chien ne réagit pas mais qu’il est tendu, cela peut rapidement devenir comme une bombe à retardement et l’explosion arrivera tôt ou tard. A ce moment là, le processus de désensibilisation sera brisé et on devra recommencer du début.

On continue l’exercice en augmentant progressivement l’intensité du stimulus seulement si on sent notre animal réellement détendue. Il est primordial de s’assurer que notre animal n’est pas en état de réaction, il faut être attentif. Si vous avez du mal à identifier les signes, faites appel à un professionnel du comportement canin. Il se fera un plaisir de vous aider dans votre cheminement.

Durant vos pratiques, si vous voyez que vous atteignez un point où votre chien entre en réaction, revenez à un point plus facile et terminez votre séance là-dessus. Il est important que cela se termine toujours sur une note positive afin que votre compagnon soit en position de réussite. J’ajouterais que la réussite de la désensibilisation dépend d’un ensemble de choses. D’abord du temps et de la fréquence à laquelle vous la pratiquerez. Ensuite de l’humeur et des croyances de votre chien. Un chien d’humeur anxieux et toujours aux aguets prendra plus de temps à désensibiliser qu’un chien à la base plus joyeux! (6)

  • Exemple : Le chien a peur de la balayeuse. Pour le désensibiliser, on pourrait sortir la balayeuse et la placer à une distance à laquelle le chien ne présente pas de signe de peur. On la laisse là sans l’actionner et on donne des gâteries au chien. On rapproche l’appareil progressivement tout en s’assurant que le chien ne réagit pas. Une fois que notre chien ne réagit plus à l’appareil éteint, on reprend à une distance plus grande et on actionne l’appareil à son intensité la plus faible, on peut également la mettre dans une pièce et fermer la porte afin d’assourdir le bruit. On donne des gâteries au chien tant qu’il ne réagit pas et que nous sommes sûr qu’il est calme, et on approche l’appareil progressivement. Et ainsi de suite, dans chacune des pièces de la maison et à différents moments de la journée. Cela se fait évidemment sur plusieurs séances.

À noter : nous parlons ici uniquement de désensibilisation et non de contre-conditionnements classique. Les deux techniques peuvent se ressembler, mais veillez à bien lire les deux sections afin de bien comprendre les différences. Avec la désensibilisation nous nous concentrons essentiellement sur la non-réaction du chien par rapport à un stimulus X. Dans le contre-conditionnements classique on vise à modifier la réponse émotionnelle de base par rapport à un stimulus X pour la remplacer par une autre.
Pour une meilleure visualisation de la technique, je vous invite à visionner la vidéo « Taille de griffe », sur notre chaîne YouTube. On vous y explique la désensibilisation à la taille de griffes et aux manipulations.(7)

Habituation

Une autre méthode d’apprentissage est l’habituation. C’est un processus par lequel l’animal s’habitue à un facteur environnemental de sorte qu’il apprend à l’ignorer. C’est en quelque sorte la capacité d’apprendre à ne pas réagir à certains stimuli. L’apprentissage par habituation entraînera invariablement une diminution d’une réponse comportementale à la suite d’une présentation répétée d’un stimulus.

  • Exemple : le chien qui dort paisiblement malgré les enfants qui jouent au salon, et les parents qui préparent le repas à la cuisine. Même phénomène avec un animal qui demeurerait tranquille dans un endroit public malgré les bruits ambiants.

Joël Dehasse, vétérinaire comportementaliste belge, nous dit que l’habituation c’est « l’association d’une représentation avec une non-réponse émotionnelle et une non-réponse comportementale. » De ce fait, le chien demeure imperturbable malgré la présence de nombreux stimuli dans l’environnement, car il sait qu’il ne lui arrivera rien de désagréable par rapport à ces stimuli.(8)

Immersion

Le dernier terme que je voudrais vulgariser pour vous est celui de l’immersion. Celle-ci consiste à présenter un stimulus standardisé (contrôlé) à sa plus forte intensité.

  • Exemple 1 : Mon chien est très excité par les gens qu’il voit dehors. Je l’emmène donc sur la terrasse Dufferin durant la période du Festival d’été de Québec. Je reste à cet endroit jusqu’à ce que mon chien se calme.
  • Exemple 2 : Mon chien a très peur des voitures. Je vais prendre une marche avec lui sur un boulevard très passant. Je marche jusqu’à ce que mon chien ne montre plus de manifestations d’inconfort.

Il y a de nombreux risques à utiliser l’immersion. En effet, quand un stimulus qui suscite une réponse émotionnelle forte est présenté à sa plus forte intensité, le chien risque, à ce moment, de tomber en impuissance acquise. L’impuissance acquise ou learned helplessness est une « perte de réactivité envers un stimulus, acquise à la suite d’une exposition prolongée pendant laquelle l’individu ne peut agir de façon constructive pour atteindre un confort, ou échapper à la douleur ». Pour que la technique de l’immersion soit efficace, il faut ABSOLUMENT passer le stade d’impuissance acquise pour atteindre la détente. Mais attention, presque sans exception, l’immersion met le chien dans état pire qu’il ne l’était auparavant puisqu’il ne peut pas échapper aux stimuli. Cette technique doit absolument être supervisée par un expert en comportement canin et doit être impérativement justifiée pour être appliquée.

 

Conclusion

Je souhaite que cet article vous aura aidé à mieux comprendre les termes parfois complexes en lien avec l’éducation canine et la modification comportementale. Si vous avez des doutes par rapport à un terme ou une méthode, n’hésitez pas à consulter un intervenant en comportement canin. Celui-ci est un spécialiste dans son domaine et il saura vous expliquer et vous montrer avec votre animal les techniques à utiliser et comment les utiliser.

 

Références

  1. https://www.youtube.com/watch?v=HIkHn0DiayI
  2. https://www.youtube.com/watch?v=2-9Q0_BPUHM
  3. https://www.youtube.com/watch?v=NXAknilovMs
  4. Joël Dehasse. Tout sur la psychologie du chien, Éditions Odile Jacob, Paris, 2009, p. 332.
  5. https://www.youtube.com/watch?v=cxPInbFEDVM
  6. Idem, p. 327.
  7. https://www.youtube.com/watch?v=UPNKBWhKR5g
  8. Joël Dehasse. Tout sur la psychologie du chien, Odile Jacob, 2009, p. 326-327.
  9. Webster, J. (1994) Animal welfare: A cool eye towards Eden .Oxford: Blackwell Science.
  10. Joël Dehasse. Formation coaching en comportement canin, Juin 2017, note de formation par Julie Anne Gaudreau.
  11. Karen OVERALL, Manual of clinical behavioral medicine for dogs and cats, Elsevier, 2013, p. 110.