Nombreux sont les gens qui vont demander l’aide d’un intervenant en comportement pour gérer la réactivité de leur chien lors des promenades. Si vous avez un chien qui tire en laisse, qui saute, qui jappe, qui aboie, qui a l’air d’un petit démon dans l’eau bénite à la vue d’un autre chien, d’un animal, d’un étranger ou de tout autre stimulus, dites-vous bien que vous n’êtes pas seul dans cette situation. Les chiens réactifs, particulièrement en laisse, sont nombreux. Malheureusement confrontés à ce problème, beaucoup vont l’interpréter de manière trop simple. En effet, certains seront tentés de dire que le chien est dominant, ou qu’il est tout simplement méchant ou encore que parce qu’il s’agit de telle ou telle race, il est plus agressif qu’un autre. Et bien que la punition prenne de moins en moins de place dans les écoles d’éducation canine, plusieurs personnes, ne sachant plus comment gérer le problème, utiliseront des méthodes coercitives pour essayer de l’enrayer. Mais qu’est-ce qu’un chien réactif? À quoi est-il réactif? Comment travailler cette réactivité? Que faire et ne pas faire si mon chien est réactif? Nous tenterons dans cet article de vous aider à mieux comprendre votre chien réactif et de vous donner des pistes de solutions afin de vous aider à le gérer.

 

Qu’est-ce qu’un chien réactif?

Un chien réactif est un chien qui vit une émotion forte en réponse à un stimulus. Oui, le chien est un être capable d’émotion. Marc Bekoff, professeur émérite d’écologie et de biologie de l’évolution à l’Université du Colorado, nous dit que « les animaux éprouvent des sentiments et leurs émotions sont tout aussi importantes pour eux que les nôtres le sont pour nous. »[1] Tenant compte de cette information et se référant à un autre grand penseur de la psychologie du chien, Joël Dehasse, vétérinaire comportementaliste belge, on reconnaît trois émotions fondamentales, soit :

  • La peur, l’inquiétude;
  • La colère, l’excitation;
  • La tristesse, le dégoût.[2]

Le chien réactif est généralement dans des émotions de peur/inquiétude ou de colère/excitation. Ces émotions se traduisent en variantes d’intensité et de manifestations tant chez l’humain que chez le chien. La peur et l’inquiétude se traduisent par « la surprise, l’appréhension, l’alarme, la crainte, la panique, la terreur, l’épouvante, la détresse […] » ou encore par « l’intériorisation, le repli sur soi, l’inertie, la méfiance, la protection, la sécurisation, l’attachement; la fuite […]. »[3] Il ne sera pas rare de voir un chien qui réagit en raison de la peur se figer au bout de la laisse ou encore tenter de se cacher derrière les jambes de son propriétaire et même essayer de fuir. Certains même réussissent à sortir de leur collier ou de leur harnais pour se sauver le plus loin possible du stimulus qui cause l’émotion. Les chiens qui sont plutôt dans la colère et/ou l’excitation seront dans « l’extériorisation, le besoin d’agir […], de manifester; le courage, la volonté; l’irritation, la fureur et la rage; la joie et l’euphorie. »[4] En effet, nombre de clients nous diront que le chien jappe, saute, tire en direction du stimulus, donc qu’il s’exprime, qu’il extériorise son émotion et qu’il « a l’air de vouloir manger » le chien ou l’humain qui le dérange. Ceux qui sont plus dans la joie manifesteront également, mais avec des attitudes de jeux (ex. : les fesses dans les airs, des petits cris d’excitation, etc.).

Le chien réactif en laisse entre en crise émotionnelle. La crise émotionnelle induite par la peur s’appelle une phobie. Celle-ci est déclenchée par un ou plusieurs stimuli et elle ne se réduit pas par présentation répétée (habituation), mais plutôt par présentation à faible intensité (désensibilisation). Pour ce qui est des crises d’excitation, elles sont déclenchées par un stimulus précis par exemple, un autre chien pendant la promenade. Ce problème est généralement rencontré chez les chiens qui manquent d’activité ou encore chez les animaux présentant un trouble d’hyperactivité. Les crises de colère, pour leur part, sont provoquées par un stimulus ou dans un contexte précis, comme l’approche d’un humain durant la promenade. Et malheureusement, très souvent, dans le cas de la colère, elle est combinée à de la peur. Dans ce cas, si la peur est prédominante sur l’émotion colérique, on parlera plutôt de phobie.[5] On reconnaîtra les chiens excités ou en colère par leur posture qui sera haute :

  • Corps droit;
  • Oreilles droites vers l’avant;
  • Queue droite.

Les chiens qui sont dans la peur adopteront une posture basse :

  • Corps vers l’arrière;
  • Parfois même couché;
  • La queue basse, voire entre les pattes;
  • Oreilles couchées.

 

À quoi est-il réactif et pourquoi ça le fait réagir?

Différents stimuli peuvent générer une réaction. Très souvent, lorsque le chien n’aura pas été socialisé à un stimulus spécifique durant la période de socialisation, ou si, durant cette période un stimulus est associé à une expérience négative, ce stimulus générera une réaction. Qu’est-ce que la période de socialisation? C’est une période sensible durant laquelle le chiot devrait faire un ensemble d’apprentissages, y compris être socialisé aux hommes, aux enfants, aux femmes, aux personnes âgés, etc.[6] Donc si un chien n’a pas été socialisé aux enfants durant cette période cruciale, il est possible que les enfants provoquent une réaction chez lui, car il ne sait pas ce que c’est. Même chose pour les voitures, les vélos, les planches à roulettes, les trottinettes, les camions, etc. Ou encore si le chien a vécu une mauvaise expérience avec un chien de grande taille de couleur noire, il est probable qu’à la vue d’un grand chien noir, il réagisse.

 

Comment travailler la réactivité?

La réactivité se travaillera sur le long terme. Rien ne sert de courir, il faut partir à point! Il faudra tout d’abord identifier les sources de réactivité du chien. Ensuite, établir à quelle distance le chien commence à réagir. Une fois ces données bien établies, on pourra travailler le chien sous son seuil de réactivité. Il est crucial de travailler sous le seuil de réactivité, car si le chien tombe en crise émotionnelle, il n’est plus en état d’apprentissage. Le taux de cortisol (communément appelé hormone du stress) augmente ce qui limite l’apprentissage. En travaillant sous le seuil de réactivité, nous mettons toutes les chances de notre côté pour la réussite de nos exercices. Les techniques d’apprentissage les plus appropriées dans le cas de la réactivité sont la désensibilisation et le contre-conditionnement classique. La désensibilisation vise à présenter le stimulus qui fait réagir, à faible intensité, afin de ne pas déclencher le comportement indésirable, puis, à progressivement augmenter l’intensité de ce stimulus quand l’animal ne présente plus de signe de réactivité. On combinera la désensibilisation avec le contre-conditionnement classique qui, pour sa part, vise à apprendre au chien un comportement antagoniste avec le comportement précédent. Avec le contre-conditionnement, on renforce le chien qui présente un comportement plus approprié qui est incompatible avec celui qu’il présentait auparavant.[7] Par exemple, dans le cas de la réactivité, on pourrait montrer au chien à nous fixer, ou encore à venir ou à toucher notre main quand il aperçoit la source de sa réaction (chien, enfant, vélo, etc.). Il sera important d’apprendre ces exercices au chien dans un contexte calme au départ, par exemple dans la maison, et d’ensuite augmenter les sources de distractions progressivement avant d’en venir à travailler en situation réelle.

 

Quelles actions éviter si mon chien est réactif en laisse?

Certaines actions sont à éviter afin de maximiser les chances de succès des différents protocoles de désensibilisation et de contre-conditionnement que l’on mettra en place avec le chien réactif. Certains pourraient être portés à vouloir apporter le chien au parc à chien afin qu’il « socialise ». Dans le cas d’un chien qui est réactif aux autres chiens, cette situation ne ferait qu’empirer les choses. En effet, presque sans exception, l’immersion met le chien réactif dans état pire qu’il ne l’était auparavant puisqu’il ne peut pas échapper aux stimuli.[8]

Il faut également éviter les punitions, de toutes sortes : collier étrangleur, collier électrique, secousse sur la laisse, crier sur le chien, etc. La punition risque de nuire énormément à l’apprentissage du chien. En effet, en punissant le chien en présence de plusieurs stimuli, il est possible que la punition ne soit pas associée au bon stimulus et que cela rende le chien réactif à de plus en plus de stimuli. De plus, trop souvent, la punition ne fonctionne pas, le comportement continu, la punition continue et finalement on ne parle plus de punition, mais d’abus envers le chien, car le tout monte en intensité.[9]

Il faut faire attention de ne pas aller trop vite. Il faut écouter notre chien. Bien que l’on désire que le problème soit réglé rapidement, c’est le chien qui décidera de la vitesse à laquelle il est confortable d’avancer dans les différentes étapes. À ce sujet, il est intéressant de se renseigner sur les différents signaux d’inconfort que le chien peut manifester. Cela peut aller du simple détournement de regard jusqu’à un ébrouement du corps en passant par une posture de jeu. C’est en « écoutant » notre chien que l’on ira le plus vite.

De surcroît, ne mettez jamais le chien en situation d’échec. Qu’est-ce qu’une situation d’échec dans le cas qui nous concerne? C’est de placer le chien dans un contexte où il ne réussira pas les exercices qu’on lui demande. Comme nous en avons discuté plus haut, si le stimulus déclenchant la réactivité est présenté à une intensité trop forte, le chien ne réussira pas à se concentrer sur nous et sur nos exercices. Il sera donc en situation d’échec. Visez donc à protéger ses apprentissages.

 

Pour conclure, un chien réactif n’est ni un chien méchant ou dominant, il est plutôt en train de manifester une émotion forte à laquelle nous nous devons, en tant qu’humain et meneur, d’être sensible. Il faut s’assurer de bien identifier les sources qui sont susceptibles de mettre le chien en état de crise et définir des exercices appropriés afin de réduire l’intensité de ces crises. Il en va du bien-être de notre compagnon et du plaisir que l’on veut vivre avec lui lors de nos promenades. Il est important d’apprendre à comprendre notre chien pour ainsi développer un lien de confiance mutuelle solide et que peut importe ce que l’on rencontre en balade, notre chien se réfère à nous afin de connaître le bon comportement à adopter.

Lectures complémentaires

Sources 

[1] Marc BEKOFF, Les émotions des animaux, Éditions Payot & Rivages, Paris, 2009, p. 29.

[2] Joël DEHASSE, Tout sur la psychologie du chien, Éditions Odile Jacob, Paris, 2009, p. 261.

[3] Idem, p. 262.

[4] Idem.

[5] Idem, p. 263-268.

[6] Idem, p. 142.

[7] Karen OVERALL, Manual of clinical behavioral medicine for dogs and cats, Elsevier, 2013, p. 66.

[8] Idem, p. 110.

[9] Idem, p. 75.