Plus la science évolue, plus nous sommes en mesure de comprendre ce qui se passe dans le cerveau des animaux, qu’ils soient sauvages ou domestiques. Par exemple, des chercheurs européens ont récemment découvert que les chiens ont la capacité cognitive de lire et de décoder NOS émotions. C’est une avancée scientifique importante dans la compréhension du comportement de nos compagnons poilus qui partagent notre quotidien. Suivant cette découverte, serait-il possible de dire aussi que nos émotions, nos croyances et nos pensées peuvent avoir un impact sur les performances ou les contres performances en entrainement, les bons ou les mauvais comportements que les chiens adoptent? Le chien serait-il le miroir de l’homme en nous ressemblant à plusieurs égards? L’expression populaire ; tel maître, tel chien pourrait prendre tout son sens avec ces nouvelles données scientifiques !

 

Les chiens ressentent et décodent nos émotions

Un groupe de chercheurs de l’Université Lincoln au Royaume-Uni et de l’Université de Sao Paulo au Brésil ont confirmé que les chiens peuvent connaître l’humeur d’une personne à partir des expressions faciales et des intonations de voix.[1] Il faut savoir que pour les animaux, percevoir les expressions émotionnelles de leurs congénères est particulièrement important pour évaluer les intentions sociales et les motivations des autres membres du groupe. Cela assure la cohésion et fournit des informations très importantes sur la manière de se comporter dans différentes situations impliquant l’établissement et le maintien de relations à long terme.[2]

Donc, lire les émotions des autres a une valeur adaptative. Selon la théorie de l’évolution, le plus fort, ou le plus adapté survit. Ici, plus l’animal est en mesure de lire et de décodé les émotions et les intentions des autres membres du groupe (ou ici, des humains de sa famille), plus il sera adapté, plus il vivra longtemps et plus sa progéniture sera en mesure de décoder et lire les émotions, et ainsi de suite… Généralement, c’est un trait de comportement héréditaire qui sert à la communication intraspécifique (entre membres de la même espèce).

L’étude parue dans le journal Biological Letters mentionne également que les chiens sont plus réceptifs aux visages dont l’expression correspond à l’intonation, autant chez leurs congénères que chez les humains, une capacité qui n’était connue que chez les humains auparavant. « Ces résultats démontrent que les chiens peuvent extraire et intégrer des informations émotionnelles […] et faire la distinction entre les émotions positive et négative des humains et des chiens. »[3] Comprendre les émotions d’une autre espèce que la sienne revêt une importance particulière pour nos chiens domestiques, qui vivent la plupart de leur vie dans des groupes d’espèces mixtes (humains/chiens). Ils ont donc développé, au fil de leur évolution, des mécanismes pour interagir avec les humains.[4]

Une autre étude parue en 2017 a évalué la réponse au stress de 132 paires de propriétaires et de chiens. Autant au niveau physique que comportemental. Ce qui a résulté de cette étude est que plus le maître démontre des traits anxieux, plus le chien a des chances de l’être également. Et évidemment, le contraire est vrai aussi! Plus l’humain est détendu, plus le chien est calme.[5] L’olfaction a également un rôle important dans l’analyse des émotions chez nos amis les canidés. Grâce à l’organe Voméronasal (aussi appelé l’organe de Jacobson) situé en haut du palais, le chien peut capter les hormones de tous les animaux incluant celles produites naturellement par les êtres humains. Si un homme libère des hormones de stress exemple le cortisol qui est facilement détectable par le chien, ce dernier adaptera son comportement selon cette information qui lui aura été transmise dans les odeurs. Il démontrera en général des signes de stress en réponse à ce qu’il reçoit.

C’est bien connu, nos émotions façonnent nos réactions. L’intonation de notre voix, notre regard, la façon de bouger notre corps et nos mains, en fait tout notre corps envoie des signaux à notre chien et celui-ci est très sensible à ces signaux. Il est donc essentiel lorsque nous entraînons notre chien de toujours rester calme et serein, car toutes les émotions négatives viendront parasiter l’entraînement et les apprentissages en cours en les retardant et en risquant de les faire échouer. Nous pouvons vous aider en cours de groupe d’obéissance ou lors de consultations individuelles afin de progresser plus rapidement et positivement.

 

Qu’est-ce que l’effet Pygmalion?

L’effet Pygmalion, nom qui a été donné par les deux chercheurs qui ont travaillés sur le concept chez l’humain, Robert Rosenthal et Lenore Jacobson, est une prophétie autoréalisatrice. Qu’est-ce qu’une prophétie autoréalisatrice? C’est un énoncé qui modifie les comportements de telle sorte que cet énoncé se réalise. Par exemple, un enseignant qui s’attend à une certaine performance de la part de ses élèves adoptera des comportements qui favoriseront la réussite de ses élèves, ce qui entraînera la réussite attendue. L’effet Pygmalion est donc une prophétie autoréalisatrice qui provoque une amélioration des performances d’un sujet, ici des élèves d’une classe, en fonction du degré de croyance en la réussite venant d’une autorité (l’enseignant) ou de son environnement. Le simple fait de croire en la réussite de quelqu’un améliore ainsi ses probabilités de succès.

L’effet Pygmalion est principalement étudié dans le cadre des effets positifs, mais l’effet inverse existe aussi et il est appelé l’effet Golem. Il résulte de l’effet Golem une performance moins bonne en rapport à des objectifs moindre, car le potentiel de l’élève est jugé comme étant limité par l’autorité (parent, professeur, etc.) qui ne mettra pas tout en œuvre pour que l’élève réussisse.

Est-ce que l’effet Pygmalion et l’effet Golem peuvent s’appliquer sur nos compagnons poilus? Il appert que c’est un concept universel qui s’applique à un ensemble de relations. Que ce soit le parent envers son enfant, le professeur envers ses élèves, nous envers nous-mêmes! Oui oui! Si je crois que je vais réussir quelque chose, que je vais réussir une tâche, un défi, etc., il y a beaucoup plus de chance que je mette tout en oeuvre pour y arriver que si je crois en partant que je vais échouer.

Donc si mon fidèle compagnon canin a la fâcheuse manie de sauter sur les étrangers qui entrent dans la maison et que je crois qu’il est assez futé pour rapidement apprendre à NE PLUS le faire, je vais mettre toutes nos ressources en actions afin qu’il ne le fasse plus. Je vais réfléchir aux comportements que mon chien connaît déjà, par exemple rester sur son tapis ou aller chercher un jouet et je vais utiliser cet exercice qu’il connaît bien comme un comportement alternatif à celui de sauter sur la visite. Je vais également évaluer l’environnement afin de voir ce que je peux améliorer pour rendre le comportement alternatif plus facile à faire, par exemple changer son tapis d’endroit ou encore placer un bac de jouets près de la porte. Je vais peut-être aussi garder une jarre de biscuits ou de gâteries super intéressantes près de la porte afin de pouvoir le récompenser rapidement dès qu’il adoptera un comportement plus adéquat. Bref, je ferai tout pour qu’il réussisse! Mais à l’inverse, si je ne crois pas qu’il puisse y arriver parce que « de toute façon il est têtu… » ou parce que « ça ne sert à rien, il est idiot… », je ne me donnerai pas la peine de faire tous ces changements, toutes ces modifications. Je lui demanderai peut-être de s’asseoir, mais sans grande conviction et comme je n’aurai pas mis tous les paramètres en place, il échouera très certainement. Cet échec me confirmera ce que je pensais au départ, soit qu’il n’y arriverait tout simplement pas…

 

Changer nos perceptions dans l’entraînement de notre chien

Est-ce que vous rencontrez des difficultés avec votre chien? Adopte-t-il des comportements indésirables? D’abord, pour arriver à modifier un comportement, à apprendre un nouveau commandement, etc. il faut changer nos perceptions. Il faut avoir un bon plan d’entraînement et voire le chien comme un partenaire qui a les capacités cognitives pour apprendre de nouvelles choses.

De plus, le fondement de ses capacités se trouve dans sa génétique. Les comportements ont tous une origine génétique. Donc certains comportements, certains apprentissages seront plus faciles et d’autres moins en raison de ce qui est inné pour lui ou pas. Par exemple, les labradors sont reconnus pour être des chiens rapporteurs, il sera donc facile pour ces chiens de rapporter la balle ou tout autre type d’objet. À l’inverse les huskies sont des chiens de traîneau pour qui le rapport n’est pas inné, il est toutefois possible de leur apprendre à rapporter la balle, mais cela demandera peut-être plus d’efforts que de l’apprendre à un chien de type rapporteur.

En outre, si votre toutou fait des choses que vous n’aimez pas, aussi découragé que vous soyez par rapport à ses comportements, tentez de changer votre attitude par rapport à ses agissements, restez zen. Comme nous vous en avons fait part dans les paragraphes précédents, votre toutou est un peu comme un miroir de vous même. Il est aussi très sensible à vos émotions, vos expressions faciales et à vos croyances envers lui. Tentez le plus possible de croire aux capacités de votre compagnon de réussir les choses que vous lui demandez. Prenez le temps de mettre en place un plan d’entraînement avec les comportements que connaît déjà votre chien et ceux qu’il faudra lui apprendre. Si vous avez du mal à mettre en place les stratégies nécessaires afin de modifier les comportements de votre chien, n’hésitez pas à faire appel à un intervenant qualifié en comportement canin et qui travaille en renforcement positif afin de vous aider. Il élaborera un plan avec vous afin d’atteindre vos objectifs.

Article écrit par Julie-Anne Gaudreau et révisé par Elizabeth Boutet

 

Références

[1] Albuquerque Natalia, Guo Kun, Wilkinson Anna, Savalli Carine, Otta Emma and Mills Daniel Dogs recognize dog and human emotions 12 Biol. Lett.

[2] Parr LA, Winslow JT, Hopkins WD, de Waal FBM. 2000 Recognizing facial cues: individual discrimination by chimpanzees (Pan troglodytes) and rhesus monkeys (Macaca mulatta). J. Comp. Psychol. 114, 47–60.

[3] Idem.

[4] Nagasawa M, Mitsui S, En S, Ohtani N, Ohta M, Sakuma Y, Onaka T, Mogi K, Kikusui T. 2015 Oxytocin-gaze positive loop and the coevolution of human-dog bonds. Science 348, 333–336.

[5] Iris Schöberl, Manuela Wedl, Andrea Beetz and Kurt Kotrschal. Psychobiological Factors Affecting Cortisol Variability in Human-Dog Dyads, February 2017 PLOS One.