Certains chiens adoreront se faire toucher, se faire prendre dans les bras, se faire caresser. D’autres seront un peu moins à l’aise et d’autres encore détesteront les manipulations. Il faut savoir reconnaître le niveau de confort et d’inconfort de notre chien. Il est également indispensable de l’habituer aux diverses manipulations auxquelles il sera confronté tout au long de sa vie. De cette façon, on prévient les possibles incidents liés à l’inconfort face aux divers touchers. On apprend ainsi au chien que les manipulations peuvent être agréables.
Pourquoi le chien n’aime pas se faire toucher et comment y pallier?
Le chien qui n’a pas été beaucoup manipulé dans les premières semaines de sa vie par l’éleveur ou la famille dans laquelle il est né, aura de la difficulté à accepter les différents touchers. Par exemple, on sait qu’un chien qui n’est pas manipulé entre 0 et 13 jours de vie pourrait développer des problèmes d’hyperréactivité et avoir une sensibilité altérée au toucher.[1] Ce qui rendra les visites chez le vétérinaire et/ou chez le toiletteur et même les caresses vraiment difficiles. Il est donc important que l’éleveur ou la famille chez laquelle le chiot vient au monde, habitue doucement et progressivement les chiots à divers stimuli tactiles et thermiques. Avec un chiot, qui a tout à apprendre, on procédera par habituation. « L’habituation est la capacité d’apprendre à ne pas réagir à certains stimuli. »[2] Un excellent exemple d’habituation serait le chien qui réussit à dormir malgré les enfants qui jouent autour et les parents qui préparent le souper! Dans le but d’avoir un chien qui acceptera toutes les manipulations sans problème, on l’habituera très jeune à se faire prendre, transporter, toucher les pattes, les oreilles, ouvrir la gueule, brosser, peigner, faire prendre sa température, etc. On combinera l’habituation avec le renforcement positif. Chaque fois que le chien tolère bien une manipulation, on lui donne une récompense très appétissante. Le renforcement positif c’est de donner à l’animal quelque chose qu’il désire, ici la récompense (nourriture, gâterie, jouets…), pour améliorer la probabilité qu’un comportement se reproduise dans le futur, ici rester calme et détendu lors des manipulations.[3] De cette façon, on met toutes les chances de notre côté pour que le chien accepte de se laisser toucher et qu’il vive cette expérience de manière agréable et sereine.
Quand le toucher n’est plus toléré
Le chien qui aura connu la punition physique et de la maltraitance pourrait éprouver de l’aversion par rapport aux touchers. En effet, si tel est le cas, le chien pourrait avoir associé les mains avec de la douleur et de mauvaises expériences, on dit qu’il y a été sensibilisé. Il faudra donc procéder avec énormément de douceur et prendre son temps afin de désensibiliser le chien aux manipulations. La désensibilisation est un peu différente de l’habituation, car l’animal présente déjà une réaction intense face aux stimuli, par conséquent, ils ne peuvent pas être présentés à pleine intensité au chien, sous peine de le mettre dans un état de détresse. En outre, la désensibilisation consiste à présenter le stimulus à son intensité la plus faible et à l’augmenter progressivement en la maintenant toujours en dessous du seuil de réactivité du chien. On peut adjoindre à la désensibilisation un contre-conditionnement opérant qui visera à renforcer un comportement alternatif incompatible avec celui que le chien présentait précédemment. Ici, on peut montrer au chien à venir lui-même chercher le contact avec les mains, toujours lorsqu’il se sent prêt.[1]
La génétique et l’environnement
Il faut savoir aussi que la réactivité aux stimuli est un trait de tempérament chez le chien.[2] C’est une question de génétique. Ce qui veut dire que le tempérament et le comportement d’un chien sont tout aussi héréditaire que la couleur des yeux ou du poil.[3] En d’autres mots, si les parents de notre fidèle ami n’étaient pas très à l’aise avec les manipulations, il y a de fortes chances que la progéniture soit peu à l’aise avec celles-ci. Et à l’inverse, si le père et la mère sont de « grosses guidounes » en bon québécois, il y a de grandes probabilités que les petits le soient aussi d’emblé. N’oublions pas toutefois que certains bébés hériteront fortement du trait, comme d’autres en hériteront très peu. Il n’y aura pas deux chiots pareils dans une portée. Et ne passons pas non plus sous silence le fait que l’environnement et les apprentissages auront un impact majeur sur l’expression ou non de certains traits de tempérament génétiquement transmis.
Reconnaître l’inconfort
Comment faire pour reconnaître que notre chien est inconfortable dans une situation ou par rapport à nos manipulations ? Le chien n’étant pas un être doué de la parole, il communique avec son corps ainsi qu’à l’aide de divers signaux chimiques et olfactifs. Dans le cas qui nous concerne et ce qui est le plus facile à distinguer pour notre œil humain sont les différentes postures que le chien peut adopter dans le cas où il devient inconfortable. Jusqu’à tout récemment, nous appelions ces signaux des « signaux d’apaisement ». Nous préférons dorénavant les nommer des manifestations d’inconfort. Certains signaux sont très subtils et c’est pour cette raison qu’il faut aiguiser notre regard afin de découvrir comment notre compagnon à quatre pattes communique avec nous. En effet, il peut s’agir simplement d’un raidissement du corps, d’un détournement de regard, d’un léchage sur le bout du nez ou encore d’une posture d’immobilité, qui est la première posture de demande d’arrêt. Ces manifestations sont toutes des demandes d’arrêt de la part du chien. C’est le signe que nous sommes allés trop loin pour son seuil de tolérance et de réaction. En apprenant à mieux lire notre chien, nous protégerons ses apprentissages, nous le positionnerons en situation de réussite lors de nos séances de travail et nous le respecterons ainsi dans son besoin d’espace.
Quand les émotions s’en mêlent
Un chien réactif aux manipulations est un chien qui vit une émotion forte en réponse à un stimulus. Oui, le chien est un être capable d’émotions. Marc Bekoff, Ph.D., professeur émérite d’écologie et de biologie de l’évolution à l’Université du Colorado, nous dit que « les animaux éprouvent des sentiments et leurs émotions sont tout aussi importantes pour eux que les nôtres le sont pour nous. »[1] Tenant compte de cette information et se référant à un autre grand penseur de la psychologie du chien, Dr Joël Dehasse, vétérinaire comportementaliste belge, on reconnaît trois émotions fondamentales, soit :
Le chien réactif aux touchers est généralement dans des émotions de peur/inquiétude ou de colère/excitation. Ces émotions se traduisent en variantes d’intensité et de manifestations tant chez l’humain que chez le chien.
La peur et l’inquiétude se traduisent par « la surprise, l’appréhension, l’alarme, la crainte, la panique, la terreur, l’épouvante, la détresse […] » ou encore par « l’intériorisation, le repli sur soi, l’inertie, la méfiance, la protection, la sécurisation, l’attachement; la fuite […]. »[1] Il ne sera pas rare de voir un chien qui réagit en raison de la peur, se figer à l’approche de la main, ou encore tenter de se cacher quelque part derrière un meuble et même essayer de fuir. Les chiens qui sont plutôt dans la colère et/ou l’excitation seront dans « l’extériorisation, le besoin d’agir […], de manifester; le courage, la volonté; l’irritation, la fureur et la rage; la joie et l’euphorie. »[2] En effet, nombre de clients nous diront que le chien se met à faire le fou, mordiller les mains, se rouler par terre, etc.
Respecter le rythme du chien, éviter certaines actions
Certaines actions sont à éviter afin de maximiser les chances de succès des différents protocoles de désensibilisation et de contre-conditionnement que l’on mettra en place avec le chien réactif. Certains pourraient être portés à vouloir apporter le chien chez le toiletteur afin qu’il se fasse manipuler. Dans le cas d’un chien qui est réactif aux manipulations, cette situation ne ferait qu’empirer les choses. En effet, presque sans exception, l’immersion met le chien réactif dans état pire qu’il ne l’était auparavant puisqu’il ne peut pas échapper aux stimuli.[3]
Il faut également éviter les punitions, de toutes sortes : collier étrangleur, collier électrique, secousse sur la laisse, crier sur le chien, etc. La punition risque de nuire énormément à l’apprentissage du chien. En effet, en punissant le chien en présence de plusieurs stimuli, il est possible que la punition ne soit pas associée au bon stimulus et que cela rende le chien réactif à de plus en plus de stimuli. De plus, trop souvent, la punition ne fonctionne pas, le comportement continu, la punition continue et finalement on ne parle plus de punition, mais d’abus envers le chien, car le tout monte en intensité.[4]
Il faut faire attention de ne pas aller trop vite. Il faut écouter notre chien. Bien que l’on désire que le problème soit réglé rapidement, c’est le chien qui décidera de la vitesse à laquelle il est confortable d’avancer dans les différentes étapes. À ce sujet, il est intéressant de se renseigner sur les différents signaux d’inconfort que le chien peut manifester. Cela peut aller du simple détournement de regard jusqu’à un ébrouement du corps en passant par une posture de jeu. C’est en « écoutant » notre chien que l’on ira le plus vite.
Travailler en mode sans échec
De surcroît, ne mettez jamais le chien en situation d’échec. Qu’est-ce qu’une situation d’échec dans le cas qui nous concerne? C’est de placer le chien dans un contexte où il ne réussira pas les exercices qu’on lui demande. Comme nous en avons discuté plus haut, si le stimulus déclenchant la réactivité est présenté à une intensité trop forte, le chien ne réussira pas à se concentrer sur nous et sur nos exercices. Il sera donc en situation d’échec. Visez donc à protéger ses apprentissages. Savez-vous qu’il faut au minimum 30 jours consécutifs d’apprentissage pour que le chien puisse commencer à créer de nouveaux circuits neuronaux, et donc à mettre en place la nouvelle stratégie apprise ? A chaque échec, le compteur redémarre à zéro !
Lectures complémentaires
Sources
[1] Karen OVERALL. Manual of Clinical Behavioral Medicine for Dogs and Cats. Elsevier, 2013, p. 124.
[2] Joël DEHASSE. Tout sur la psychologie du chien. Éditions Odile Jacob, Paris, 2009, p. 326.
[3] Edward O. PRICE. Principles & Applications of Domestic Animal Behavior, CABI, Boston, 2008, p. 50.
[4] Ibid. DEHASSE, p. 332.
[5] Sayaka Arata, et al. « Reactivity to Stimuli » Is a Temperamental Factor Contributing to Canine Agression, Department of Animal Resource Sciences, University of Tokyo, Japan, 2014.
[6] Ibid, DEHASSE, p. 32.
[7] Marc BEKOFF, Les émotions des animaux, Éditions Payot & Rivages, Paris, 2009, p. 29.
[8] Joël DEHASSE, Tout sur la psychologie du chien, Éditions Odile Jacob, Paris, 2009, p. 261.
[9] Idem, p. 262.
[10] Idem.
[11] Idem, p. 110.
[12] Idem, p. 75.